En signe de vie, Thomas Gleb, Georges Jeanclos, Max Wechsler

Affiche expo 2012

Le musée du Hiéron présente En signe de vie, une exposition réunissant Georges Jeanclos, Thomas Gleb et Max Wechsler. Au-delà de leur appartenance religieuse, les liens qui les unissent sont tantôt une évidence de par leur histoire personnelle commune – Jeanclos et Wechsler ont occupé dès 1984 un atelier au même numéro de la rue Popincourt à Paris – ou certaines de leurs réalisations – Jeanclos et Gleb ont tous deux répondu à des commandes artistiques pour des édifices chrétiens –, tantôt une mise à distance dans leur oeuvre, comme par exemple le travail sur l’effacement – et non la disparition – que Max Wechsler développe depuis plus de 25 ans dans ses grandes surfaces abstraites questionnant l’origine de l’écriture.

Une quinzaine d’oeuvres en bronze et en terre cuite de Georges Jeanclos dessinent un parcours dans les galeries du musée du Hiéron. Sont ainsi évoqués quelques figures hébraïques et bibliques – Moïse, Jacob, Racchi –, les commandes publiques des années 1980-1990 – l’église Saint-Ayoul à Provins, la fontaine Saint-Julien l’Hospitalier à Paris, le portail de la cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille à Lille – et de manière plus intimiste, le cheminement si personnel et unique du sculpteur.

Dans la salle « Sous le signe de la croix », est exposé Le Signe de Thomas Gleb. Cette oeuvre monumentale – une grande croix incisée dans le mur en forme de Y –, fut réalisée pour l’ancien Carmel de Niort et devait disparaître en raison d’un programme immobilier. Sous l’impulsion de sa conservatrice Dominique Dendraël, le musée du Hiéron et la Ville de Paray-le-Monial ont permis sa sauvegarde et sa présentation au public dans les collections permanentes du musée.

En complément sont également présentés, donnés au musée par la famille de l’artiste : un diptyque daté de 1968 qui présente déjà à gauche une incision, sorte de cicatrice, et à droite, le yod, au nom de Dieu, les deux parties de l’oeuvre formant une fraction de pain, ainsi qu’un livre d’artiste, Le Mystérieux, comprenant des signes hébraïques qui présentent les différents noms de Dieu.
Une salle et un cabinet intimiste est consacrée à Max Wechsler qui (comme l’écrit Alfred Pacquement dans un texte de 1989) « “peint” avec des journaux photocopiés, découpés et collés bord à bord sans effet de composition, pour former des toiles compactes où le matériau rendu illisible est reconnu, dans sa picturalité ». Une oeuvre abstraite, fondée sur la recherche de l’ombre et de la lumière, à partir de ce signe qu’est la lettre, à la base de notre culture et de sa transmission.

Les trois artistes:

Yehouda Chaïm Kalman, dit Thomas Gleb (1912-1991)

Il reçoit une éducation religieuse imprégnée de la lecture de la Bible et de l’hébreu. A partir de l’âge de dix ans, il pratique différents petits métiers : tisserand, comme son père Moïse Kalman, puis graveur, tailleur… En 1929 il commence une véritable activité artistique et entre à l’atelier Start à Lodz où il dessine des modèles d’après nature et aborde la peinture à l’huile (portraits, natures mortes). En 1932, il arrive à Paris et devient Thomas Gleb : « Thomas, car je n’ai pas cru, Gleb, c’est un nom… ». Il retouche des photographies, décore des soldats de plomb et continue de mener ses recherches picturales. En 1935 : il réalise des décors de costumes et de théâtre pour une troupe bruxelloise et fait la connaissance de sa future femme Maria à Amsterdam. Durant la Seconde Guerre mondiale, sa famille restée en Pologne périt dans le ghetto de Lodz, il intègre l’armée française puis la Résistance. Arrêté, il parvient à s’échapper et se cache à Grenoble puis à Lyon. De retour à Paris, Gleb participe à plusieurs expositions. Il est d’abord peintre, sculpteur, puis il se tourne vers la tapisserie à partir de 1958. En 1970 il réalise l’aménagement de l’oratoire de la Sainte Baume (Var) puis conçoit l’architecture du couvent des dominicaines Saint Matthieu de Tréviers. En 1977 l’artiste aménage la Chapelle du carmel de Niort, où il réalise l’œuvre Signe, qui a été sauvé de la destruction par l’action de la conservatrice du musée du Hiéron Dominique Dendraël. En 2012, l’œuvre de Thomas Gleb rejoint les collections du musée du Hiéron, grâce au soutien de la ville de Paray-le-Monial et au mécénat privé.

L’année 2012 marque le centenaire de sa naissance, l’occasion pour de nombreuses structures de rendre hommage à Thomas Gleb à travers plusieurs expositions. 

Georges Jeankelowitsch, dit Georges Jeanclos (1933-1997)

Les événements de la Seconde Guerre mondiale ont fortement inspiré l’art de Georges Jeanclos. Lorsque l’artiste exprime dans ses sculptures cette expérience, ce n’est pas par un renfermement sur lui-même, au contraire, il s’ouvre aux autres, à l’universel, en étant à l’écoute de toutes les souffrances passées et présentes. Il ne représente pas l’horreur, mais cherche à représenter la beauté. L’artiste travaille la terre qu’il transforme en fines feuilles pour créer des personnages aux mêmes traits enfantins, semblables à des adultes. Ses sujets de prédilections sont des personnages apaisés en méditation. Il fut lauréat du Prix de Rome en 1959, et à partir de 1966, professeur à l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris. À partir de 1983 il répond régulièrement à des commandes publiques. Ses œuvres sont présentes dans les collections des musées du monde entier (Bruxelles, Paris, Toronto, New-York, Jérusalem…

Max Wechsler (1925)

Max Wechsler est né à Berlin en 1925. Il vit et travaille à Paris. Il arrive en France en 1939 et perd ses parents restés à Berlin et déportés à Auschwitz en 1943. Il connait sa première exposition personnelle en 1968 au musée d’Art Moderne de Paris. Son travail est inspiré de plusieurs périodes artistiques, comme le surréalisme entre 1958 et 1972, il travaille avec de l’huile sur contreplaqué et toile. Entre 1974 et 1977 il cesse volontairement de peindre et ne reprendra le pinceau qu’en 1979 pour sa période abstraite. En 1983, il commence à travailler avec les recouvrements de papier, technique qui remplacera le pinceau et la couleur. À partir de 1985, Max Wechsler travaille avec des caractères typographiques et des photocopies noir et blanc.

 La lettre…

« La lettre m’intéresse pour son aspect typographique, sa forme, son inclinaison, sa densité. Mon projet consiste à défaire la lettre de sa fonction: l’écrit. Procédant à sa transformation, je la fais éclater pour n’utiliser que ses particules: un contour, un trait, une courbe. Ainsi les fragments de la lettre convertis en signes seront disposés sur une feuille de papier, puis collés en fonction d’un rythme, d’une lumière interne. Le module de départsera photocopiè en ombre. Le recouvrement d’une surface peut alors commencer. L’illicibilité s’empare de l’espace. Cependant il émanera toujours quelque chose de son origine écrite. La lettre sans cesse transformée, destructurée, résiste, se révèle indestructible. D’autres représentations apparaissent; la lettre devient son Autre. Il me plait d’associer ainsi la part de ce qui sera ignoré à jamais de celle qui, par ailleurs, demeurera indélébile. Cette métamorphose renforce l’omniprésence de la lettre qui récuse sa disparition. »

Max Wechsler 2002